"Le roman doit se donner les moyens formels de faire apparaître non plus un sens synthétique(du récit et de l'Histoire) qui serait hégémonique, réducteur, falsifiant et illusoire, mais les significations (non exhaustives, locales, isolées, essentiellement relatives, parfois divergentes, contradictoires, irrationnelles) des relations variables qui se nouent et se dénouent entre des parcours individuels et un devenir collectif. Quant aux logiques proprement historiques, Flaubert part du principe qu'à la différence du discours de l'historien le texte du roman n'a pas à les établir ni les interpréter, mais à les "représenter", c'est-à-dire à les donner à voir sans les figer : les évoquer, les rendre sensibles, mais en les maintenant dans leur mobilité et leurs interrelations, en leur conservant cette irréductible sensation de contingence, d'hétérogénéité, indécidable avec laquelle l'Histoire s'éprouve en temps réel, et sans statuer sur les causes et les conséquences."
Pierre-Marc de Biasi. Flaubert, une manière spéciale de vivre. Chapitre 14, l'engagement. Grasset & Fasquelle, 2009.